Les Murs du Senegal “berlinoisés”

Graffiti de Klib 1 sur la route de Ngaparou, Senegal, Djibril DRAME, Septembre 2025

Saint Louis, Block + Bubble Style Leila Khaled par Diablos RBS

Depuis des décennies, les murs du Sénégal portent une littérature visuelle singulière. Papisto Boy, Maissama, Docta, Deep, Madzoo, Diablos, Zenixxx et tant d’autres ont inscrit sur la pierre une mémoire populaire, une esthétique ancrée dans le sol et l’esprit des habitants. Ces fresques ne sont pas de simples ornements : elles sont récit, prière, manifeste, miroir de nos vies.

Or, depuis quelques années, les tags, blocks et bubble styles venus d’Europe colonisent les façades. Le graffiti, né de révoltes urbaines ailleurs, s’impose ici comme un langage importé, parfois plaqué sans égard pour la profondeur du vernaculaire mural sénégalais. Nos murs, au lieu de chanter nos propres histoires, s’alignent sur des codes globaux. On pourrait dire qu’ils se sont “berlinoisés”.

Ce glissement n’est pas anodin. Il interroge la place de nos traditions dans un monde standardisé. Est-ce un vandalisme culturel qui étouffe notre littérature visuelle, ou une mutation qui appelle de nouvelles hybridations ? Ce qui est certain, c’est que les murs parlent moins notre langue. Et qu’aujourd’hui, pour entendre Papisto et ses héritiers, il faut tendre l’oreille à travers les couches de peinture.